La vocation profonde de Mère Julie est l’éducation chrétienne, surtout des enfants pauvres.
Julie fonde les premières écoles à Amiens, Saint-Nicolas, Namur, Montdidier, Rubempré et Jumet sans avoir besoin de traverser des frontières puisque la Belgique n’existait pas encore.
Si à Amiens on accepte mal les voyages de Julie, il n’en est pas de même à Namur où elle est soutenue par Mgr Pisani de la Gaude favorable à toutes ses démarches de fondations.
Elle parcourt des kilomètres pour assurer une maison accueillante aux sœurs et à leurs élèves. En 1809, elle est à Saint-Hubert ; en 1810, c’est la fondation du Nouveau Bois à Gand et en 1811, l’installation à Zele.
Malgré la guerre durant les dernières années du régime napoléonien, Julie poursuit encore son œuvre d’éducation en ouvrant des écoles à Andenne, Gembloux et Fleurus.
N’oublions pas qu’à l’époque, il n’existe aucun moyen de communiquer rapidement. En revenant de ses voyages, Mère Julie trouve de nombreuses lettres de ses filles, surtout des Supérieures des maisons secondaires. Il faut les guider, les soutenir, les consoler ; ne pouvant pas être à la fois en plusieurs lieux, elle envoie des lettres fréquentes et très longues.
Douée d’un sens pratique, Julie donne des conseils sur la façon de tenir la maison. Ses lettres nous montrent une personne pleine d’humour et d’une patience sans bornes, toujours de bonne humeur. Par ses traits de personnalité, elle rend la sainteté attrayante et accessible à tous. Dans ses lettres, Julie insiste sur la formation solide de ses sœurs et sur la manière dont elles doivent enseigner. Quelques mots reviennent sans cesse : «Ah ! qu'il est bon le Bon Dieu ! ».
Après 22 ans de paralysie, Julie guérit de façon miraculeuse le 1er juin 1804. Elle entreprend alors de nombreux voyages en diligence, à dos d’âne ou même souvent à pied en vue d’établir des écoles pour les jeunes filles pauvres. Sur un petit billet, Françoise compte les déplacements de Julie: plus de 120 voyages en dix ans!
Voyez, à droite, une carte de la France en 1800. Les frontières n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui (carte ci-dessus à droite).
En 1804, Julie fonde la congrégation dans une France élargie. En effet, la victoire des Français à Fleurus en 1794 entraîna l’annexion des Pays-Bas autrichiens et de la principauté de Liège (Belgique actuelle) à la France pour vingt ans.
La carte se dessine à nouveau en 1815 après la bataille de Waterloo : les Belges sont unis aux Hollandais dans le royaume des Pays-Bas. Mère Saint-Joseph connaîtra l’indépendance de la Belgique en 1830.
Maisons fondées par Julie
1. Amiens (1804) 2. Saint-Nicolas (1806) 3. Montdidier (1807) 4. Namur (1807) 5. Jumet (1808) 6. Rubempré (1808) 7. Saint-Hubert (1809) 8. Gand (1810) 9. Zele (1811) 10. Raineville (1812) 11. Andenne (1813) 12. Gembloux (1813) 13. Fleurus (1814)
2 Saint-Nicolas: Dans ses Mémoires, Françoise raconte l’origine du costume des sœurs. C’est en 1806 pour les Soeurs de Saint-Nicolas, qu’ « on fit des robes de laine noire d’une étoffe fort commune, de grands manteaux qui allaient presque jusque par terre, et une espèce de coiffure comme un chapeau noir, aussi de laine, tel que Mère en avait rapporté le modèle de Flandre, et des guimpes de toile blanche.» L’évêque de Gand, Mgr Fallot de Beaumont, bénit ce premier costume religieux.
3 Montdidier: Comme Julie et une autre sœur quittaient Plessier, près de Montdidier, elles se trouvèrent face à un chien enragé qui avait déjà mordu un grand nombre de personnes. La sœur était terrifiée, mais Julie lui dit : «N’ayez pas peur, ma fille, Dieu est avec nous», et lorsque l’animal fut arrivé tout près d’elle, elle lui dit très doucement et aimablement : «Laissez-nous passer, mon ami ; nous sommes les petites servantes du Seigneur, et nous sommes en route pour faire son œuvre.» Alors le chien se tint tranquille pendant un moment, et leur permit de passer sans leur faire le moindre mal; après quoi il redevint enragé et dangereux comme auparavant.
5 Jumet : « Le 16 juin 1815, après la bataille de Ligny, le couvent fut attaqué par des soldats en maraude qui cherchaient de la nourriture et qui finirent par défoncer la porte d’entrée. On avait caché les enfants dans les caves pour les soustraire à la soldatesque. C’est un ouvrier du couvent, […] qui alla devant les militaires affamés qui ne cherchaient qu’à manger et qui disparurent après s’être restaurés. L’adjoint au maire, […] envoya alors une garde au couvent afin de préserver les sœurs d’une nouvelle mésaventure de ce genre.»
7 Saint-Hubert : Août 1810, Julie ne trouve aucun véhicule pour rentrer à Namur. Elle décide donc de faire à pied le trajet d’environ 60 km. En chemin, elle croise deux militaires aussi en marche pour Namur. Ils sont si complaisants qu’elle décide de se joindre à eux. Il fait très chaud. Comme le relatent les Mémoires de Mère Saint-Joseph, Julie entend le capitaine : « Je donnerais la dernière goutte de mon sang pour mon empereur (Napoléon) ! » Et moi, se dit-elle, en son cœur, ne donnerai-je pas au mien tout ce qu’il voudra de moi? Arrivée à Namur, Julie est épuisée. Pendant cette longue marche, elle n’avait mangé qu’un œuf et un peu de pain !
8 Gand: Poussée par la pauvreté et le manque de provisions, la communauté des sœurs du Nouveau-Bois décida de faire un champ de pommes de terre. Cela va de soi pour les contemporains qui, ayant expérimenté le rationnement du temps de la guerre, sont disposés au «retour à la terre». Il en aurait probablement été de même pour Julie, sauf pour une chose : l’endroit choisi pour l’opération. Les sœurs utilisèrent une cour pavée qui servait à la récréation des élèves. Au prix de grands efforts, elles enlevèrent les pierres et plantèrent les pommes de terre. Celles-ci commençaient à pousser de manière très satisfaisante quand Julie arriva un jour en visite. Les sœurs lui montrèrent la récolte prometteuse. Mais Julie, pas impressionnée : «Qu’avez-vous fait ?» demanda-t-elle à la supérieure. « Vous êtes pauvres, je le sais, mais ne comptez-vous plus sur la Providence? Si la nourriture de nos bonnes sœurs est frugale, faut-il encore les priver d’air et d’espace? Allons vite : faites venir toutes les élèves des classes, accordez-leur une récréation : qu’elles viennent sauter sur ce champ improvisé si mal à propos ; les sœurs remettront ensuite les pavés à leur place. »
12 Gembloux : Peinture du Christ douloureux vénéré à l’église de Gembloux et devant laquelle Mère Julie s’arrêtait pour prier, quand elle entrait dans cette église.
13 Fleurus : En 1815, après la défaite de Napoléon à la bataille de Waterloo, des soldats erraient dans les villes et campagnes en quête de provisions. Une bande de soldats envahit le couvent de Fleurus, une des villes les plus proches du champ de bataille. Prises de panique, les sœurs se réfugièrent à l’étage. Les soldats se précipitèrent alors dans l’escalier mais s’arrêtèrent subitement à l’endroit où se trouvait une statue de la Vierge. Offerte au centre d’héritage par les sœurs de Fleurus, cette statue de la Vierge se trouve aujourd’hui dans une des vitrines.